Séminaire “écologie du vivant”
Présentation générale
Un constat s’impose à qui est attentif aux chemins empruntés par un nombre grandissant de penseurs du 21ème siècle : ces chemins mènent aux vivants ! Qu’elle soit nommée « écophilosophie », « écoanthropologie », « écosophie », ou encore « écopolitique », cette pensée du vivant occupe une place grandissante non seulement dans les médias et les publications de toutes sortes, mais aussi dans les actions concrètes sur des terrains variés.
Phénomène de mode ? Courant éphémère ? Effet collatéral du « transitionnisme » teinté de catastrophisme ambiant ? Nouvelle tentative de fronde écologique ? Que penser de cette pensée du vivant ?
Le séminaire auquel nous vous invitons se veut être un espace de rencontres – un écosystème – au cœur duquel nous ferons résonner des textes fondateurs de ce courant qui intègre nature, environnement, milieu, humain et non-humain, et qui enjambe les dualismes usés de notre tradition moderne. En d’autres mots, nous vous proposons de lire ensemble certains textes-clés d’auteurs qui ont tenté de tirer des leçons de leurs rencontres authentiques avec d’autres vivants.
Programme 2023-2024
Leopold a le premier formulé explicitement une éthique de la terre (Land Ethics) en 1949 dans l’Almanach d’un comté des sables. Cette éthique avait l’ambition d’ « étendre à l’ensemble de la communauté biotique – à la terre, aux animaux qui y vivent, aux plantes qui y poussent – une attention morale jusque-là réservée aux seuls humains »[1].
Loin d’être confinée à une discipline particulière, la pensée écologique de Leopold convoque des approches multiples et entremêlées, qui vont de la biologie à l’économie en passant par la politique, la philosophie, et bien d’autres spécialités qui s’enrichissent mutuellement en se rencontrant. Notre souhait est donc que ce séminaire rassemble des personnes reflétant cette diversité de points de vue et prêts à cheminer ensemble.
Trois séances au programme de cette année :
- Le 15 décembre 2023, Thibault De Meyer commentera le texte « éthique de la terre » qui constitue un chapitre de l’Almanach d’un comté des sables (Flammarion, 2017). 10h30-12h30.
- Le 09 février 2024, Nathanaël Laurent commentera le texte « une conception biotique de la terre » faisant partie du recueil La terre comme communauté (Wildproject 2013, 2021). 11h00-13h00.
- Le 22 mars 2024, Louis Carré présentera la distinction qu'opère l'historien Donald Worster entre deux types d'écologie scientifique : l'une de "l'ordre", l'autre du "chaos". En s'appuyant sur un article de J. B. Callicott ("La nature est-elle en équilibre?" 1996), il interrogera les conséquences de cette distinction pour "l'éthique de la terre" de Leopold.14h00-16h00
[1] Catherine Larrère, « L’anthropocentrisme de la bioéthique », Noesis [En ligne], 28 | 2016, mis en ligne le 07 octobre 2021, consulté le 19 septembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/noesis/2953 ; DOI : https://doi.org/10.4000/noesis.2953.
Programme 2024-2025
Aux racines de l’humain.
Trois séances au programme de cette année :
-
Le 13 décembre 2024 de 14h00 à 16h00 (intervention, discussions et moment convial). Quentin HIERNAUX introduira la philosophie du végétal et nous parleradu "Tableau physique des Andes" de Humboldt et de sa géographie équinoxiale des plantes. LOCAL L31
-
Le 28 février 2025 de 14h00 à 16h00 (intervention, discussions et moment convial), Jean-Baptiste VUILLEROD abordera la thématique suivante: Naturphilosophie du végétal : Goethe, Schelling, Humboldt.
-
Le 11 avril 2025 de 14h00 à 16h00 (intervention, discussions et moment convial), Roland CAZALIS nous partagera son point de vue de biologiste sur le monde végétal.
Pour introduire le sujet...
Si nous faisions le bilan de l’histoire de l’humanité, une tendance ressortirait certainement : celle d’un rapport utilitaire au non humain ne cessant de s’accentuer, et par suite celle d’un fossé se creusant entre l’humain et le reste.
L’humanité plonge pourtant ses racines dans un milieu vivant qui cultive bien d’autres relations que celles que nous privilégions actuellement et qui sont dominées par la rationalité instrumentale. Sonder ces univers relationnels oubliés sans lesquels il est de plus en plus difficile de penser l’humain est un objectif de ce séminaire qui, cette année, vous invitera à rencontrer le végétal.
Nous avons l’an dernier porté notre attention à la dimension communautaire du vivant en partant de l’œuvre d’Aldo Leopold. Le forestier américain nous interpellait notamment avec ce questionnement duquel nous ne devrions jamais nous éloigner : « qu’aimons-nous et qui aimons-nous au juste ? ». Sa réponse, au milieu du siècle dernier, confirmait déjà la tendance évoquée ci-dessus : « Certainement pas les sols, que nous laissons se faire charrier vers les estuaires. Certainement pas les eaux, dont nous supposons qu’elles n’ont d’autres fonctions que d’actionner des turbines, porter des chalands et emporter des ordures. Certainement pas les plantes, dont nous exterminons des communautés entières sans un battement de paupière. Certainement pas les animaux, dont nous avons déjà extirpé beaucoup des plus grandes et des plus magnifiques espèces. ». Face à ce manque de considération vis-à-vis de ce qui n’est pas nous, l’éthique de la terre proposée par Léopold « modifie le rôle d’homo sapiens, qui, de conquérant de la terre-communauté, en devient membre à part entière et citoyen ». Il s’agit donc d’une éthique qui « implique le respect pour les autres membres ainsi que pour la communauté en tant que telle », et « l’homme n’est en définitive qu’un membre d’une équipe biotique » (« L’éthique de la terre », dans Almanach d'un comté des sables).
Pour nous aider à retrouver ce sens communautaire vital, nous nous tournerons cette année vers les modes de vie du végétal : ces vivants qui entretiennent des relations intimes avec la lumière, l’air, l’eau et tout ce que nous nommons « sol ». Comment nous laisser instruire par les végétaux sans lesquels nous ne pourrions exister ? « En rendant possible le monde dont elles sont partie et contenu, les plantes détruisent la hiérarchie topologique qui semble régner dans le cosmos. Elles démontrent que la vie est une rupture de l’asymétrie entre contenant et contenu. Lorsqu’il y a de la vie, poursuit le philosophe Emanuele Coccia, le contenant gît dans le contenu (et est donc contenu par lui) et vice versa. Le paradigme de cette imbrication réciproque est ce que les Anciens déjà appelaient souffle (pneuma). Souffler, respirer, signifie en effet faire cette expérience : ce qui nous contient, l’air, devient contenu en nous et, à l’inverse, ce qui était contenu en nous devient ce qui nous contient. » (La vie des plantes).